Ce recueil réunit les premiers textes de prose écrits en anglais par l'auteur de Lolita mais également des nouvelles russes restées inédites, ou bien n'ayant pas refait surface depuis leur publication, au début des années vingt, dans différents journaux émigrés de Berlin. Dans ces nouvelles, il flotte un air de nostalgie et de haute poésie, et comme la prémonition que le rire et le lyrisme désenchanté sont les grandes figures de style d'une littérature de l'exil. Les protagonistes sont pour la plupart des artistes ou de jeunes expatriés, partagés entre plusieurs lieux de résidence, Berlin, l'Angleterre, Zermatt, un port du sud de la France ou bien les anciens domaines d'une enfance russe. Invariablement, la mémoire, sinon son reflet poétique, apaise comme un baume réparateur les plaies encore ouvertes de l'expatriation. Ainsi, dans Le lutin, un esprit des forêts russes vient rendre visite au narrateur dans son pays d'adoption. Dans Bruits, évocation admirable d'une liaison de jeunesse en Russie, Nabokov paraît trouver le secret de son art : rendre l'ordinaire extraordinaire. Dans Un coup d'aile, Kern voit sa vie comme "une suite mouvante de paravents multicolores". Dans La Vénitienne, Nabokov installe les trompe-l'oeil et les pièges de son oeuvre future. Littéralement fasciné par un portrait de dame de Sebastiano del Piombo dans un château anglais, un étudiant de Cambridge pénètre dans le tableau puis se fige et disparaît dans la réalité de l'art. Comme dans Bois laqué et Le rire et les rêves, deux essais qui ont valeur de manifeste littéraire, Nabokov s'interroge sur le pouvoir de transfiguration de la littérature et paraît ouvrir ici une large fenêtre sur la mise en abîme de ses univers secrets.
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